Le Point.fr - Publié le 19/08/2013 à 15:51
La musique préserve et améliore la mémoire
Même chez les
personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer, la musique est un moyen d'entrer
en contact et de faire revenir des souvenirs anciens.
"En plus de la musicothérapie active, qui consiste à faire
jouer de la musique à un patient, la simple écoute musicale peut avoir des
effets impressionnants."
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Par ANNE JEANBLANC
La musique ne fait pas qu'adoucir les
moeurs, elle permet aussi de restaurer, maintenir ou même améliorer la santé
sur les plans physique, psychique, cognitif, social et spirituel. "En plus
de la musicothérapie active, qui consiste à faire jouer de la musique à un
patient, la simple écoute musicale peut avoir des effets impressionnants",
selon Cécilia Jourt Pineau, musicothérapeute au sein du service d'oncologie et
de radiothérapie de l'hôpital militaire du Val-de-Grâce (Paris) et membre de la
Confédération mondiale de musicothérapie.
Symphonie neuronale
Grâce aux techniques d'imagerie par
résonance magnétique fonctionnelle (IRMf), les spécialistes ont observé ce qui
se passe dans le cerveau d'une personne écoutant de la musique. Ils parlent
alors de "symphonie neuronale". Il existe plusieurs mémoires
musicales, décrites par Hervé Platel, neuropsychologue et spécialisé dans la
musique à l'université de Caen. La mémoire sémantique donne un sentiment de
familiarité, le fait d'entendre quelques notes permet de reconnaître un morceau
et de le fredonner. La mémoire épisodique est liée au contexte et fait donc
revenir des souvenirs particuliers. Enfin, la mémoire procédurale est la plus
utilisée par les musiciens. C'est le savoir faire, sans y penser, comparable à
la pratique du vélo.
"L'IRMf permet d'accéder
directement aux zones du cerveau activées par la musique", précise
Jean-Gabriel Ganascia, informaticien spécialiste en intelligence artificielle,
philosophe, professeur à l'université Pierre et Marie Curie (Paris VI) et
membre du conseil scientifique de l'Observatoire B2V des mémoires. Cela a
permis de montrer que l'écoute est transformée par la compétence. En d'autres
termes, le musicien qui a passé beaucoup de temps à jouer active des zones du
cerveau différentes et bien plus développées que le reste de la population.
Patrimoine culturel
Néanmoins, les personnes qui n'ont pas
de longues années de musique derrière elles n'ont pas à s'inquiéter: les études
montrent qu'au bout d'un mois de pratique le cerveau se modifie. "Cela
commence dès la maternelle avec des comptines, les jeux de doigts et la
musique", ajoute Cécile Jourt Pineau. "Ce patrimoine culturel reste
toute la vie. D'ailleurs, on le voit bien au niveau des patients souffrant
d'Alzheimer : ils gardent en mémoire des chants, y compris ceux de l'enfance.
Et ils peuvent en apprendre de nouveaux."
Pour l'instant, les
spécialistes n'ont pas d'explication à apporter à ce phénomène. Mais ils savent
que ces malades ayant écouté le même morceau tous les jours pendant une semaine
s'en souviennent un mois plus tard. "Il y a énormément de zones du cerveau
qui sont impliquées dans l'écoute et le jeu musical", note la
musicothérapeute. "On suppose que ce sont toutes ces traces qui vont
permettre aux malades d'Alzheimer d'enregistrer quelque chose, contrairement au
langage qui ne concerne qu'une petite zone très spécifique du cerveau." Un
tel moyen d'entrée en contact ne devrait pas être négligé.
Musicothérapie
Fibromyalgie: la musique adoucit la douleur
par Afsané Sabouhi | Publié le 30 Juillet 2012
Soulager les douleurs aiguës et chroniques par la musique, c’est le concept de la musicothérapie. A Montpellier ou à Limoges, les médedins l'utilisent en pratique courante.
« Quand on m’a proposé la musicothérapie, ça m’a plutôt fait rire. Franchement, je n’y croyais pas. Mais je me sentais tellement ligotée par mes douleurs que j’étais prête à tout tenter. Et contre toute attente, ça a vraiment changé ma vie », raconte Claudine Comolli. En 2007, sa fibromyalgie est si douloureuse qu’elle l’empêche de marcher et monter des escaliers est un véritable calvaire.
Hospitalisée au Centre anti-douleur du CHU de Montpellier, elle découvre la musicothérapie. « Aujourd’hui, j’en fais une séance chaque soir pour atténuer la douleur et parvenir à m’endormir. Et si je suis en crise, j’en fais aussi pendant la journée. Ça m’a permis d’arrêter complètement les anti-douleurs opiacés ! », confie-t-elle enthousiaste.
Claudine Comolli n’est pas la seule dans ce cas. Stéphane Guétin, son musicothérapeute montpelliérain, a mené une étude chez des patients hospitalisés comme elle pour fibromyalgie ou lombalgie chronique. 90% consommaient des anxiolytiques tous les jours. Au bout de 2 mois de traitement, la moitié des patients ayant bénéficié en plus de la musicothérapie pouvaient se passer de ces médicaments contre seulement un quart pour ceux qui n’avaient eu que la prise en charge classique.
On ignore encore la façon exacte dont la musique agit sur notre cerveau. Certaines publications ont mis en évidence qu’elle stimule la production de dopamine, le neurotransmetteur du plaisir et inhibe celle du cortisol, l’hormone du stress. La musique jouerait un rôle stimulant sur la mémoire. « Il reste encore beaucoup de recherches à mener, c’est vrai mais le constat de l’efficacité de la musicothérapie, je le fais au quotidien dans mon service, témoigne le Pr Jacques Touchon, chef du service de neurologie du CHU de Montpellier. Pas comme une alternative aux médicaments mais en complément ».
Chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer, elle permet de diminuer la consommation d’antidépresseurs et de neuroleptiques, ce qui est très positif car les neuroleptiques peuvent avoir un effet néfaste pour les malades Alzheimer.
Ecouter son disque préféré n’et pas exactement de la musicothérapie même si les goûts sont effectivement primordiaux. « Il n’y a pas une musique efficace par pathologie. Ce qui compte c’est ce que le patient a envie d’écouter à un instant donné », précise Stéphane Guétin. Le musicothérapeute a mis au point une technique baptisée montage en U qui permet d’accompagner le patient avec le style musical de son choix dans une détente progressive avant une phase d’éveil.
Le Nouvel Observateur 2-8 décembre 2004
De l'autisme infantile à la maladie d’Alzheimer.
Musique sur ordonnance
La musique n'a jamais guéri personne. Mais elle peut rendre de grands services dans le traitement de certaines pathologies.
Fin novembre à Paris, lors des 15èmes Journées scientifiques annuelles de l'A.F.M. (Association française de Musicothérapie), Catherine Lehousse et Jean-Pierre Aubret, de l'Institut de Musicothérapie de Nantes, présentaient une communication au titre insolite : « Le rap en milieu carcéral ». Il s'agissait de raconter une expérience en cours à la maison d'arrêt de Nantes, parmi les jeunes détenus (15-23 ans). Lesquels, souvent « toxicomanes pluriconsommateurs aux dépendances multiples », refusent l'idée même de recevoir des soins : ils se considèrent comme tout à fait conformes au style de vie normal pour leur âge. Avec l'aide de groupes de rap locaux, introduits en prison à raison de dix séances par trimestre, les psychothérapeutes proposent à ces jeunes taulards de participer à la confection
d'un cédérom de rap, pour lequel ils sont invités à créer les paroles, comme la musique, et àinterpréter le tout. Résultat visé, et souvent
obtenu, au moins en partie : « Instaurer un dialogue, établir une relation de confiance et créer des liens », résume Jean- Pierre Aubret.
Ces jeunes, en effet, « sont en situation d'échec, obstinés dans le refus et incapables de supporter le moindre contact avec des adultes ». Alors, en leur donnant l'occasion de réussir enfin quelque chose dont ils peuvent être fiers, la musique opère parfois des miracles, et permet de construire un début de relation thérapeutique »,
En l'occurrence, c'est le rap qui fonctionne : on n'imaginerait pas apprivoiser de pareils « sauvageons » avec du Mozart. Mais tout dépend des patients auxquels la musicothérapie s'adresse, de leur culture, de leur âge, de leur état mental. De toute façon, insiste le professeur Edith Lecourt (université René –Descartes –Paris -V, coorganisatrice des récentes Journées de l'A.F.M.), " même si elle peut. faire beaucoup de bien, la musique en elle-même na jamais guéri personne ». Elle peut certes revêtir des pouvoirs thérapeutiques, mais c'est toujours dans le cadre d'une psychothérapie dont elle constitue l'un des outils - que ce soit d'une façon réceptive (le patient écoute) ou active (il joue de la musique, et c'est en thérapie de groupe que cela marche le mieux). La musicothérapie est vieille comme le monde ; la Bible (1 Samuel XVI, 23) nous apprend que David calmait avec sa cithare les angoisses de Saül. En France, au milieu du XIX' siècle,
les orchestres et les chorales d'aliénés ainsi que les concerts pour aliénés faisaient partie dutraitement de la folie. La défunte Allemagne de l'Est avait mis au point une " musicothérapie marxiste », qui n'a pas suffi à empêcher l'effondrement du mur de Berlin. Mais aujourd'hui, en France comme dans beaucoup de pays, les musicothérapeutes, dûment formés à l'université, obtiennent des résultats souvent étonnants et trop peu connus, dont trop peu de patients bénéficient.
Autisme infantile, psychoses chroniques, névroses, handicaps sensoriels, états dépressifs, sorties de coma, jusqu'au traitement de la surdité via la rééducation à certaines fréquences... La liste est longue de ces pathologies pour les-quelles la musicothérapie peut rendre de grands
services. Vice-président de l'A.F.M. et directeur de La Forge - un centre de formation spécialisé installé à Metz (Moselle) -, François Jacquemot est intarissable sur les bienfaits de certains conditionnements sonores appliqués aux nouveau-nés, aux grands prématurés surtout, trop tôt privés des sons perçus depuis le ventre maternel. Bruits cardiaques et physiologiques de la mère; voix familières, et jusqu'aux musiques entendues durant la grossesse ; la sonorisation des incubateurs peut reconstituer un environnement sonore familier. D'où un effet apaisant, un sommeil plus régulier et un bien-être général propice au développement, dont on constate l'accélération. Ici, par exception, certains musicothérapeutes consentiraient presque a conseiller quelques « musiques médicaments » dignes de figurer sur une
ordonnance : le 1er mouvement (allegro con brio) de la Symphonie n° 1 de Beethoven ou " les Corps glorieux pour orgue » d'Olivier Messiaen sont, parait-il, appréciés des nouveau-nés. A l'autre bout de la vie, à l'âge de la démence sénile et de l'évaporation de la mémoire, la musique est également capable d'enjoliver un peu le quotidien et même de faire revenir quelques souvenirs. A l'Institut de Psychologie de Paris-V, Edit Lecourt a dirigé plusieurs thèses semblant mettre en évidence des sortes d'« empreintes sonores » qui subsistent dans
les cerveaux des victimes de la maladie d'Alzheimer et que l'on réussit à réveiller avec la musicothérapie. II faut s'investir énormément, être à l'affût du moindre tressaillement révélateur, mais on obtient parfois de très bons résultais », raconte-t-elle.
Le principe est de faire entendre aux patients des chansons qu'ils ont aimées. « La mémoire musicale est sans doute distincte de la mémoire verbale, pourtant , avec la musique, les paroles reviennent, et même la danse. Les malades entrent dans le jeu, se retrouvent soudain
harmonisés psychiquement et physiquement, affichent une mine heureuse. »
Malheureusement, cela ne dure que le temps de la séance : « Dès que vous arrêtez la musique,tout s'arrête ». Le malade retourne à son silence et à son apathie.
N'empêche, il a vécu un moment de bonheur.
FABIEN GRUHIER
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